POUSS 2010-2012

POUSS 2010-2012

week-end à Palia

La journée de dimanche dernier a débuté vers 2 heures du matin, lorsque nous entendons Naomy et moi toquer à la fenêtre de notre chambre. C’est Joseph, le gardien de nuit me demandant de descendre au dispensaire pour une urgence.

Après quelques minutes, je prends mes clés et la lampe de poche en me disant que la nuit  est bel et bien finie pour moi, car Thomas ne me réveille que très rarement. C’est un aide soignant diplômé, extrêmement compétant.

En descendant je trouve une vieille Peugeot 204 garée devant la porte d’entrée, événement relativement rare étant donné que les malades nous arrivent généralement en moto, en pousse-pousse ou même dans une brouette.

Une fois au dispensaire j’aperçois une foule massée devant la salle d’accouchement en pleine discussion et des femmes en pleurs. Pour moi, cela est déjà un mauvais présage.

En essayant de me frayer un passage afin d’entrer dans la salle, j’aperçois Thomas prendre une tension artérielle tout en me lançant un regard effrayé. Je m’approche et je vois cette femme couchée sur la table avec un ventre énorme, entrain de gémir, de s’agiter, de délirer et de transpirer à grosses gouttes. Je lui demande : alors, sa tension ? et lui-même de me répondre 180 sur 110 cm de Mercure.

C’est une femme en fin de grossesse. Pour moi le diagnostique est posé. C’est une pré-éclampsie,  une urgence vitale ou la vie de la mère et de l’enfant sont en jeu. Je lui fais un examen gynécologique rapide et m’aperçois que le col de l’utérus n’est ouvert qu’à trois centimètres, et que le bébé est très mal positionné.

L’accouchement n’est pas pour tout de suite et certainement pas par voie basse (accouchement normal).  

Je  propose à Thomas de poser rapidement une voie veineuse et de passer du magnésium pour diminuer ses symptômes. J’explique la situation à son mari car il faut le plus rapidement possible la transférer à l’Hôpital le plus proche.  A notre niveau nous ne pouvons plus rien faire.

Malheureusement, c’est l’infirmier du dispensaire de Sifna, une petite localité au bord du Logone où elle était préalablement hospitalisée qui l’a transférée chez nous en disant que là bas, se trouve, semble t’il, un docteur blanc qui peut tout faire !!!!!!!!.

La piste étant totalement impraticable ils ont dû prendre une pirogue à moteur pour arriver jusqu’à nous. Je leur explique alors, que je suis peut-être blanc mais pas « très » docteur, juste infirmier. Je parle décidément dans l’oreille d’un sourd…

Plus tard, suite à de longues discussions, le mari me demande de les accompagner moi-même avec notre 4x4. Mon sang se met  à se glacer car la piste pour Maga (là où se trouve l’hôpital de district) est également très mauvaise. Il a plu toute la journée.

N’ayant pas trop le choix vu l’urgence, j’accepte. Je cherche la clé du véhicule, m’installe au volant, allume le moteur, mets la marche arrière, mais le véhicule ne recule pas d’un centimètre. Le levier du frein à main coulisse dans le vide. Malheur ! Les freins sont bloqués, nous perdons encore une bonne demi-heure, mais quelques coups de marteau suffisent pour régler le problème.

Après avoir pris ma trousse d’urgence avec alcool, ciseaux, pinces, serviettes et gants (au cas où il m’arriverait de faire l’accouchement en route), nous installons la patiente derrière le pick-up (la benne, derrière le véhicule). Quelques personnes s’installent avec elle pour tenir la perfusion et quatre autres  avec moi dans la cabine.

Sans accompagnateur je n’aurais certainement pas effectué ce trajet de nuit vu l’état de la piste et le risque de rencontrer des coupeurs de routes (bandits de grands chemins). 

Pour faire les douze kilomètres nous nous sommes embourbés à deux reprises, mais sans gros dommage apparent pour l’instant.

Enfin arrivé à Maga 2 heures plus tard, avec l’aide des infirmiers nous installons la patiente sur la table d’accouchement. J’ausculte à nouveau la patiente et m’aperçois qu’il n’y a pas de bruit du cœur fœtal. Nous téléphonons alors au médecin qui est également directeur de l’hôpital. Il me confirme le diagnostic et décide de faire une césarienne en urgence (il est médecin généraliste, mais a été formé comme chirurgien après quelques stages).

Le temps de prévenir tout le staff pour l’opération nous perdons encore une fois une heure. Arrivé au bloc tout se passe très vite, la femme est endormie et l’opération peut commencer. Nous allons utiliser la dernière boîte de matériels stériles de l’hôpital.

Cela fait 3 mois que la région n’a pas d’électricité et le groupe électrogène n’est pas assez puissant pour faire fonctionner le stérilisateur.

L’intervention se déroule à merveille, la mère est hors de danger, la tension est à nouveau normale, malheureusement comme prévu le bébé est décédé. Le père est heureux que sa femme ait survécu mais désespéré de la perte de leur premier garçon.

Il est 9 heures du matin et je peux enfin rentrer. Je profite néanmoins de l’occasion d’être à l’hôpital de district pour faire le plein de « plumpy’nut » pour nos petits malnutris, nous n’avions plus un seul carton en stock.

Pour le retour, je prends à nouveau deux à trois personnes avec moi en cas de problèmes sur la route. Du coup le médecin profite de l’occasion pour nous suivre avec son véhicule afin de superviser la prise en charge du choléra à Pouss (nous avions plus de 20 cas ce jour). Sur la route du retour, rebelote, nous nous sommes embourbés une fois de plus. Il nous a fallut plus d’une heure pour nous sortir de là, à l’aide de pelles (que j’avais dans la voiture) et de branchages.

Arrivé au dispensaire vers 11heures, les chambres d’hospitalisations sont pleines à craquer. Thomas est dépassé par les événements. Saini le chef de centre, quand à lui, est entrain d’essayer d’extraire une aiguille à coudre cassée dans le bras d’une jeune fille. Après une incision et quelques points de sutures elle pourra rentrer chez elle.

Quand à moi, je fais quelques consultations et c’est repartie pour quelques heures de visites (c’est dimanche, le culte sera pour dimanche prochain !!!).

En rentrant un patient me dit : savez vous que votre roue arrière ne tiens plus qu’à deux vis ? Docteur vous avez eu de la chance, me dit-il. Etait ce de la chance ? Je pense plutôt avoir été protégé.

En regardant de plus près la voiture, je m’aperçois que j’ai également perdu les plaquettes de freins de la roue avant. Je m’étais effectivement aperçu, lors du retour que la voiture ne freinait plus correctement au point ou j’ai du utiliser le frein à mains jusqu’à la station.

Il est enfin 14 heures lorsque je rentre à la maison pour manger, dire bonjour aux enfants et me reposer un peu.

Vers 18 heures  on me réveille à nouveau pour me demander de descendre. Il y a 6 jours une femme a accouché de triplés à domicile et leur état de santé est précaire. La femme est effectivement complètement affaiblie et les enfants entièrement déshydratés. Depuis l’accouchement la mère ne les a pas allaités par manque de lait. Pour la deuxième fois de la journée, je leur propose d’aller vers Maga, mais le refus est catégorique, ils veulent rester chez nous malgré l’absence de matériel adéquat. Je dois donc trouver une solution pour les réhydrater. Naomy me propose alors d’utiliser une grosse seringue de gavage et c’est là que me vient une idée (j’ai bien quelques sondes gastriques mais celles-ci sont bien trop grande pour des triplés prématurés) je vais donc essayer avec des sondes urinaires pédiatriques. Le Seigneur dans sa grande bonté une fois de plus était avec nous car les trois bébés ont pu être sondés.

Vu l’absence de lait maternel et de lait en poudre pour bébés dans la région, nous nous débrouillons avec du lait « Nido », simple lait en poudre qui je sais, n’est pas adapté pour des jeunes prématurés mais que Naomy  prépare avec beaucoup d’amour. Nous les nourrissons toutes les heures avec une seringue, et une perfusion en sous cutanées pour leur permettre d’être réhydraté. Malheureusement deux des trois enfants nous décèderons dans les trois jours. Le père n’est plus jamais revenu avec le lait pédiatrique demandé. Le troisième heureusement s’en est sortie,  la mère également réhydratée, à enfin  pu avoir du lait grâce à l’apport de protéine donné normalement pour des malnutris.  Trois jours après, toute la famille à pu rentrer. Lors d’une hospitalisation, de nombreux membres de la famille restent à l’hôpital pour faire la cuisine aux malades. Ici pas de cuisine centrale comme en Europe.

 

Voilà un exemple de week-end ici à Palia, Merci Seigneur d’être avec nous, sinon que ferions-nous.

 



28/08/2011
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